A l’approche des fêtes de fin d’année, Datapolitics a décidé de dresser un premier bilan de l’activité parlementaire depuis le début de la XVIe législature. Les premiers retours sur les volumes de questions écrites et de leurs réponses permettent d’identifier les premières conséquences d’un Parlement à la configuration inédite et où les oppositions sollicitent toujours plus le Gouvernement.

L’un des rôles constitutionnels du Parlement est le contrôle de l’action du Gouvernement. À cette fin, les parlementaires peuvent poser des questions à l’exécutif : elles peuvent être orales, adressées notamment lors de la fameuse séance de questions au Gouvernement chaque mardi après-midi, ou écrites. Ces dernières constituent l’essentiel des questions parlementaires : chaque semaine depuis le début de la XVIe législature, on compte une moyenne de 350 questions écrites posées au Gouvernement, contre moins d’une cinquantaine de questions orales.

Les questions écrites sont posées à titre individuel par un parlementaire à un ministre. Elles permettent à un député ou un sénateur d’interpeller sur un sujet le Gouvernement, qui est tenu de répondre aux questions dans un délai maximal de deux mois, délai légal qui reste pourtant très peu respecté.

Datapolitics s’est plongé dans les bases de l’Assemblée nationale et du Sénat accumulant les questions écrites posées depuis juin 2017, afin d’étudier l’intensité du dépôt des questions écrites dans les deux chambres et le niveau de réactivité des différents ministères. Pour faciliter l’interprétation des données, nous avons réalisé une harmonisation entre les données des deux chambres : statuts des questions, noms des ministères posés, procédures d’attribution et de rappel des questions… Voici ce que nous y avons trouvé.

Des volumes importants

Bien qu’il existe un plafond de questions écrites par parlementaire, le volume de questions déposées depuis juin 2017 est impressionnant : près de 80 000 questions écrites ont été adressées au Gouvernement, dont près de 50 000 rien que pour l’Assemblée nationale. Une telle différence s’explique par les effectifs des chambres : 577 députés contre 348 sénateurs.

Toutefois, ce sont des sénateurs qui dominent le classement des parlementaires interrogeant le plus fréquemment le gouvernement. Certains ont d’ailleurs fait du dépôt de questions écrites une véritable spécialité : le sénateur non-inscrit Jean-Louis Masson s’illustre ainsi en ayant déposé près de 1 900 questions écrites depuis 2017, soit 28,31 questions posées par mois de mandat écoulé, alors que la moyenne globale s’élève à 1,33 questions écrites posées par mois et par parlementaire. Le reste du palmarès est également dominé par des sénateurs, phénomène expliqué par le fait qu’à chaque début de législature, les sénateurs redéposent leurs questions déclarées caduques.

Du côté des groupes politiques, on constate que les oppositions déposent davantage de questions écrites que les groupes se réclamant de la majorité présidentielle. Par exemple, si le groupe LREM puis Renaissance est le groupe parlementaire ayant posé le plus de questions écrites depuis juin 2017, ramené en proportion d’effectifs il s’avère être parmi les groupes les moins actifs en cette matière.

L’envolée du nombre de questions sans réponse

Conséquence de tels volumes adressés aux ministères : l’accumulation des questions écrites sans réponse au fur et à mesure de chaque législature. Par rapport à décembre 2017, il y a 1 000 questions supplémentaires en attente de réponse en décembre 2022, soit une augmentation de 20%. Au rythme de progression de dépôt des questions écrites, les ministères semblent déjà engorgés.

Un espoir de réponse très inégal selon le ministère interrogé

L’accumulation des questions écrites a une influence logique sur le taux de réponse des ministères, et en particulier sur le taux de réponse dans les délais. Ce dernier point fait l’objet de régulières controverses entre le Parlement et l’Exécutif. Par exemple, le Sénat met régulièrement à jour un tableau de bord des questions écrites pour dénoncer leur faible taux de réponse dans les délais. Au niveau global, si le taux de réponse des ministères avoisine les 70% depuis juin 2017, seules 16,35% des questions posées obtiennent une réponse dans les délais. Mais ce taux n’est pas homogène selon les ministères : le ministère de la Santé, le plus sollicité en raison de la crise sanitaire, n’a par exemple répondu qu’à 57,6% des 16 431 questions qui lui étaient adressées (dont 19,9% dans les délais). Dans la même logique, le ministère de la Transition écologique a répondu à 73,2% des questions (dont 10,5% dans les délais).

Le manque de réactivité des ministères s’est ainsi accentué depuis le début de la XVIème législature. Le taux de réponse global est descendu à 30,1%, seuls 8,8% des questions écrites posées ont obtenues une réponse dans les deux mois réglementaires. Si certains ministères et secrétariats d’États sont particulièrement réactifs, comme celui de l’Égalité femmes-hommes avec un taux de réponse à 78,3%, d’autres n’ont encore répondu à aucune question qui leur sont adressées, comme celui en charge de la Citoyenneté.

Des différences de taux de réponses par groupe finalement peu politiques

Lorsqu’on s’intéresse à la répartition des réponses entre les groupes parlementaires depuis le début de la XVIe législature, on constate que les groupes politiques à l’Assemblée nationale obtiennent les taux de réponse les plus faibles, et en particulier le groupe RN : s’il est le deuxième groupe en volume et relativement à son nombre de députés en termes de dépôt de questions écrites, son taux de réponse est de 10 points plus faible par rapport à la moyenne globale.

Signe qu’il existerait des délais « politiques » de la part des ministères ? Il n’existe pourtant pas d’écart significatif entre la majorité présidentielle et les oppositions. Si le taux de réponse des questions posées par des députés RN est aussi faible, c’est davantage parce que le nombre de questions posées par le groupe chaque semaine depuis le début de la XVIe législature ne cesse d’augmenter, augmentant de fait le nombre de questions en attente. Le taux de réponse des questions de députés RN posées au début de la législature est similaire à celui des autres groupes parlementaires.

Un processus de questions-réponses dysfonctionnel ?

Les questions écrites sont un outil de contrôle parlementaire qui permettent à des parlementaires, en particulier ceux de l’opposition d’interpeller publiquement le Gouvernement. L’efficacité de cet outil se heurte au manque de réactivité chronique des ministères, à des degrés divers selon les ministères, ce qui motiverait une refonte du système, déjà entamée lors de la XIVe législature.

La responsabilité incombe-t-elle totalement au Gouvernement ? Pour le vérifier, il s’agirait aussi d’étudier la qualité des questions posées par les parlementaires, et en particulier le taux de similarité entre les rédactions des questions pour repérer les doublons, ou les questions ayant été poussées par des représentants d’intérêts. Une stratégie dont Datapolitics ne manque pas de suivre avec attention, et qui méritera une analyse à par entière par la suite. A suivre…

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