Les députés sont-ils moins bons qu’avant ? Le taux d’irrecevabilité des amendements déposés par les députés depuis le début de la mandature atteint un niveau record : 38% des amendements déposés sont déclarés irrecevables. Chez Datapolitics, nous avons eu envie d’y voir plus clair.

A l’Assemblée nationale, les débats des projets de loi de finances rectificative pour 2022 et des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ont marqué le baptême du feu pour les députés de la nouvelle législature. Comme chaque année, des milliers d’amendements ont été déposés pour modifier, supprimer ou incorporer de nouveaux dispositifs dans les textes. Mais beaucoup n’ont tout simplement pas été examinés, ne validant pas les critères de recevabilité.

Si le droit d’amendement est illimité, il est en revanche encadré suivant certaines règles spécifiques qui déterminent la recevabilité des amendements à la leur examen par les parlementaires, suivant deux situations :

  • L’irrecevabilité financière : l’article 40 de la Constitution prévoit que les amendements déposés par des députés ou des sénateurs ne peuvent générer un impact négatif sur les finances publiques. Toutefois, un amendement prévoyant par exemple la compensation de la diminution d’une taxe par l’augmentation équivalente d’une autre permet de garantir sa recevabilité financière. Les amendements du Gouvernement ne sont pas concernés par le principe de l’irrecevabilité financière.
  • L’irrecevabilité législative : un amendement déposé ne relevant pas du domaine de la loi ou du cadre du texte examiné peut être déclaré irrecevable. De plus, les règles de la procédure législative, essentielles à la bonne organisation du débat parlementaire, encadrent l’exercice du droit d’amendement, comme par exemple sur le délai de dépôt des amendements.

Un taux d’irrecevabilité record

Datapolitics a analysé les 3 542 amendements déposés par des députés depuis le début de la XVIème législature. 38% d’entre eux (1 355) ont été déclarés irrecevables, soit presque trois fois plus que les amendements déposés lors de la législature précédente.

Nous avons interrogé différentes hypothèses pouvant expliquer une telle différence : le profil des députés, les groupes parlementaires et leur appartenance à la majorité et l’opposition, le type de texte examiné, les modalités d’examen, l’évolution des rapports de force à l’assemblée ainsi que les modalités d’appréciation de l’irrecevabilité des amendements.

Pas de lien avec le renouvellement des députés

Du fait d’une différence d’expérience, on pourrait penser que les nouveaux députés voient leurs amendements plus souvent être déclarés irrecevables que leurs collègues ayant déjà effectué au moins un mandat, mais il n’en est rien : le taux d’irrecevabilité ne varie pas selon le nombre de mandats effectués par l’auteur de l’amendement.

Tous les textes concernés

Sous cette mandature, l’Assemblée Nationale a examiné quatre textes principaux. Sur trois de ces textes, le taux d’irrecevabilité était largement supérieure à la moyenne de la XVème législature. Seul le règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2021 a échappé à cette dynamique. Cela va même plus loin : deux des textes examinés cet été font déjà partie des cinq projets de loi avec le plus haut taux d’irrecevabilité depuis 2017. La loi dite « pouvoir d’achat » détient le record absolu : 54% des amendements déposés ont été déclarés irrecevables.

Autre fait marquant : cette hausse du taux d’irrecevabilité concerne aussi bien les travaux en commission qu’en séance.

Une augmentation qui touche davantage l’opposition

Alors que sous la XVème législature, majorité, opposition et non inscrits avaient des taux d’irrecevabilité sensiblement égaux, on observe désormais un écart significatif entre le taux d’irrecevabilité des amendements déposés par des membres de la majorité présidentielle (groupes Renaissance, MoDem et Horizon) et ceux de l’opposition : 27% pour la majorité contre 39% pour l’opposition.

Le détail par groupe politique pour la XVIème législature permet de constater sur un important écart entre les groupes. Par exemple, tandis que le taux d’irrecevabilité des amendements déposés par les députés du groupe Renaissance (ex LREM) est de 24%, il est de 46% pour le groupe Les Républicains et s’élève à 56% pour le groupe Écologiste.

L’irrecevabilité, symptôme d’un contexte politique inédit ?

Deux autres pistes méritent encore d’être creusées pour expliquer une telle augmentation.

1. Une potentielle réduction globale de la « qualité » des amendements déposés, autant de la part des députés sortants que des députés néophytes. Dans un contexte de majorité relative, les députés seraient susceptibles d’être tentés par déposer des amendements jouant davantage avec les règles de rédaction et de dépôt qu’en temps « normal ».

2. Un potentiel accroissement de la sévérité de l’appréciation de l’irrecevabilité des amendements. Au niveau parlementaire, il appartient à la présidence de l’Assemblée nationale ainsi qu’aux présidences des commissions de juger de la recevabilité des amendements. Dans le contexte actuel d’une transformation des rapports de force, l’existence d’une majorité relative entraînerait une intensification du contrôle préalable des amendements avant la discussion, afin d’accélérer cette dernière. Ce serait une conséquence directe de l’application du « parlementarisme rationalisé », qui vise à éviter une trop forte instabilité parlementaire, même en cas de majorité relative.

Que ce soit par leur qualité ou par le contrôle préalable – ou les deux, le statut des amendements examinés à l’automne dans le cadre des examens des lois de finances et de financement de la sécurité sociale constituera probablement un sujet de tensions des débats, que Datapolitics ne manquera pas de suivre avec attention…

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